La nouvelle ambassadrice du Centre de Vol à Voile de Colmar s'appelle Jutta Sturm. A 47 ans, elle vient de remporter le championnat de France féminin d'une discipline méconnue : le vol à voile.

"Bonjour Jutta ! Félicitations, c'est une grande nouvelle !" l'interpelle un collègue. Tout juste auréolée de son titre de championne de France, conquis début août à Bailleau en Eure-et-Loir, Jutta Sturm arpente les terrains de l'aéroport de Colmar. Les conditions météo sont bonnes, mais il faut sortir le moto-planeur avec une extrême précaution. Du hangar à la piste, l'avion moteur qui tracte le planeur doit traverser un terrain encore humide des pluies de la veille.

La championne devra attendre pour décoller. Ce n'est pas grave, en 34 ans de vol à voile, Jutta a aussi appris la patience. "J'ai volé pour la première fois à 11 ans, avec mon père, qui pilotait un planeur. Après une heure de vol, j'ai dit : "déjà l'atterrissage ?" Il avait compris que moi aussi je serai passionnée". Pour ses 14 ans, il lui offre un "lâché", un premier vol seule dans le cockpit.

En août, Jutta est deveue championne de France en "classe 15 m" (à bord d'un engin de 15 mètres d'envergure). En compétition, chaque aéronef reçoit un coefficient de performance en fonction de ses caractéristiques techniques. Ce chiffre est pris en compte dans le calcul des points qui déterminent le classement final. Autre critère important : la distance parcourue et la vitesse. Un enregistreur de vol permet de contrôler que les concurrents ont respecté les points de passage obligatoires.

Penchée sur le cockpit, Jutta, qui est aussi l'instructrice, explique patiemment le fonctionnement de l'engin, étend ses bras pour mimer l'inclinaison des ailes, montre comment, via un manche, le pilote peut modifier la résistance à l'air. "On apprend facilement quand on est jeune, tout se fait par imitation. Le pilotage d'un planneur est très fin, très précis. Beaucoup de choses passent par l'intuition, les femmes ne sont pas mauvaises pour ça !"

A Bailleau, c'était la 5ème fois que les femmes se disputaient entre-elles le titre national. Il y a quelques années, Jutta avait terminé 3ème d'une compétition mixte. Elle précise que beaucoup de rivaux sérieux étaient absents mais date de cette époque là la motivation qui l'a poussée à continuer malgré une activité professionnelle prenante et la vie de famille chargée d'une mère de trois enfants.
Après 34 ans de vol à voile, Jutta se dit "toujours émerveillée. Les conditions météo ne sont jamais les mêmes. J'aime voler l'hiver au dessus des Vosges. On y subit ce que l'on appelle "l'effet de l'onde". C'est comme dans un ascenseur, on monte dans un calme absolu".

Une fois seulement, Jutta s'est fait peur. Lors d'une compétition à laquelle elle avait pris part sur un planeur qu'elle ne connaissait pas. Elle a dû atterrir dans un champ. "Il faut être prêt à atterrir ailleurs que sur une piste. Je garde toujours à l'esprit qu'une victoire en compétition ne vaut pas la vie." C'est une des vertus qu'elle attribue à son sport : "ça responsabilise, surtout les jeunes".

Sa victoire lui permet d'espérer participer aux championnats du monde féminins, l'année prochaine en août. Elle ira pour l'ambiance festive bien sûr, mais aussi parce que la première gagne le droit de se mesurer aux hommes lors de la compétition masculine. "Le but ultime" ajoute-t-elle dans un sourire.

Sarah Tuchscherer


Les personnes intéressées par le vol à voile peuvent contacter le chef-pilote du club, Claude Dielenseger, au 06.74.27.06.85.

Article paru dans le journal DNA
Edition du dim. 17 août 2008.